Résumé Allociné : Depuis que Nora a assisté au procès de Jacques Viguier, accusé du meurtre de sa femme, elle est persuadée de son innocence. Craignant une erreur judiciaire, elle convainc un ténor du barreau de le défendre pour son second procès, en appel. Ensemble, ils vont mener un combat acharné contre l’injustice. Mais alors que l’étau se resserre autour de celui que tous accusent, la quête de vérité de Nora vire à l’obsession.

Rare sont les films qui permettent d’allier le plaisir à l’utile dans le cadre de nos études. Ce film est l’une de ces pépites qui permettent de vivre de l’intérieur un procès médiatisé, à travers les yeux de Nora, une cuisinière, Une sorte d’Erin Brockovich sans sourire[1] interprété par l’incroyable Marina Foïs.Même si ce personnage a été inventé pour les besoins du film, il retrace assez fidèlement le déroulé du procès de Jacques Viguiers, accusé du meurtre de sa femme, qui a fait grand bruit pour plusieurs raisons.

  1. Un mari jaloux qui se transforme en assassin : fantasme de l’opinion publique ou fait avéré ?

En 2010, Jacques Viguier, professeur de droit public, vice-doyen de la Faculté de droit de Toulouse, attend le verdict de son procès à la Cour d’Assise d’Albi. Il est poursuivi pour le meurtre de sa femme, Suzanne, disparue depuis 10 ans, et dont le corps n’a jamais été retrouvé. 15 ans de prison ont été requis contre lui par le Parquet, qui interjette appel après la décision d’acquittement rendue par la Cour d’Assise de Toulouse en 2009.

Le mobile du crime ? Le couple faisait chambre à part et battait de l’aile. Selon l’accusation, Suzanne devait demander le divorce le lendemain de sa disparition. Le mari n’aurait pas supporté cela et l’amant de Suzanne, Olivier Durandet, fait tout pour que l’opinion publique voit en lui le mari jaloux qui voulait éviter le scandale. Viguier affirme avoir ignoré cette liaison amoureuse jusqu’à sa garde à vue et n’était lui-même pas fidèle, ayant eu une liaison avec une dizaine d’étudiantes.

Le hic : l’absence de preuve l’accablant de manière certaine et indiscutable. Seuls éléments en possession de l’accusation que Jacques Viguier a du mal à expliquer :  la disparition d’un matelas et une déclaration tardive au Commissariat de l’absence de sa femme. Mais est-ce que cela suffit à faire de lui un assassin ?L’accusation va jusqu’à exploiter sa passion pour le cinéma pour expliquer une mise en scène parfaite de ce meurtre.

Le problème, c’est que malgré un dossier quasi vide puisque sans corps, sans preuve, sans certitude même que Suzanne soit morte, Jacques Viguier arbore la figure du coupable idéal pour l’opinion publique : le visage fermé, les traits tendus. Combatif et loquace au début du procès, il apparaît rapidement passif voire amorphe, assistant en spectateur à son procès, comme en première instance, quand il était assommé par les antidépresseurs[2]. Les experts psychiatres ont déterminé que Jacques Viguier souffrait depuis 2003 de «bipolarité», «des troubles dépressifs suivis d’épisodes à l’humeur plus exaltée». Les journalistes sont intrigués face à ce brillant professeur de droit déconstruit qui bafouille, qui revient sur ses propos, qui ne sait plus s’il a vu sa femme le jour de sa disparition.

Ce film met en avant les carences du dossier d’accusation, ce qui n’arrête en rien le Parquet qui utilise en sa faveur la pression médiatique dont fait l’objet Jacques Viguiers, en espérant convaincre les jurés de sa culpabilité par l’affect plus que par des preuves concrètes. Voir en quelqu’un un coupable n’est pas suffisant, et le réalisateur rappelle la beauté d’une justice qui se doit de faire vivre le principe du contradictoire pour étudier la véracité des preuves, des témoignages pour en conclure à la culpabilité ou non d’une personne. Il utilise la caméra et le talent des acteurs pour nous faire vivre de l’intérieur ce procès plus vrai que nature, avec des « scènes de tribunal, immersives et fidèles à la procédure judiciaire française (pas d’« objection votre honneur ! » à l’américaine) »[3].

  1. L’incroyable ténor du barreau, Eric Dupond Moretti, et des centaines d’heures téléphoniques au service de la justice

Les seuls alliés de Jacques Viguier : Ses trois enfants, tout au long du procès. Mais aussi Éric Dupond-Moretti, incarné par le magistral Olivier Gourmet, qui incarne dans ce procès la part belle de la justice, en se posant en rempart contre l’erreur judiciaire. Il va tout faire pour convaincre les jurés qu’il manque cette fameuse intime conviction nécessaire pour envoyer quelqu’un derrière les barreaux.

Mais ce n’est pas tant Maître Moretti qui va être au cœur du procès que les écoutes téléphoniques. A Tarn, « les débats ont fait émerger, à défaut d’une vérité, des éléments nouveaux. Grâce en soit rendue au magistrat, qui a eu la loyauté de verser aux débats des dizaines d’heures d’écoutes téléphoniques jamais exploitées à ce jour. Parce que certaines étaient favorables à la défense ? »[4]interroge le Figaro en 2010.

Le réalisateur Antoine Raimbault explique « Je n’ai pas changé un mot du procès Viguier, ni un mot des écoutes téléphoniques ». Tout ce qui est dit dans le film a été dit dans les écoutes ou à la barre. J’ai juste fait un travail de montage en sélectionnant les extraits qui me paraissaient pertinents. » Avant d’écrire son film, le cinéaste a retranscrit 250 heures d’écoutes téléphoniques, ainsi que les débats lors du procès en appel, en s’aidant parfois des notes de journalistes ayant suivi l’affaire. « Moi, je voulais utiliser le procès Viguier pour questionner la justice donc je trouvais cela beaucoup plus fort de ne pas toucher à l’affaire ». « Ce parti pris a contraint le réalisateur à travailler son scénario « sur des patins et avec des pincettes ». Conseillé, à chaque étape, par des avocats ».[5]

Parce que ces heures d’écoutes téléphoniques vont faire émerger la figure d’un potentiel accusé qui était jusqu’à alors le chouchou de la presse et des policiers : l’amant, Olivier Durandet.

Alors si vous voulez savoir le verdict du procès et le contenu de ces écoutes téléphoniques, allez donc voir ce beau film sur la justice française ! Et dépêchez vous, parce que le fameux amant vient d’attaquer en justice ce film qu’il accuse d’ «atteinte à la vie privée» et «atteinte à la présomption d’innocence» et demande donc son retrait des salles de cinéma. Verdict le 19 février! En tout cas,  « si Olivier Durandet obtient gain de cause, la décision de mettre fin à l’exploitation du film serait inédite. En février 2014, c’est une série Arte au titre identique, Intime conviction , qui avait subi le même traitement. S’inspirant de l’affaire Jean-Louis Muller, la série fictionnelle a été interdite pour «atteinte à la vie privée». » [6]

Bande annonce : https://www.club-vo.fr/films/une-intime-conviction/?iframe=1&id=311502505

 

[1]https://www.telerama.fr/cinema/films/une-intime-conviction,n5720394.php

[2]https://www.20minutes.fr/france/392088-20100320-proces-viguier-verdict-tombe

[3]https://www.telerama.fr/cinema/films/une-intime-conviction,n5720394.php

[4]http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/03/22/01016-20100322ARTFIG00753-proces-viguier-le-double-revers-du-ministere-public-.php

[5]http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/une-intime-conviction-plongee-mot-pour-mot-dans-le-proces-viguier-06-02-2019-8005275.php

[6] http://www.lefigaro.fr/cinema/2019/02/15/03002-20190215ARTFIG00291–une-intime-conviction-l-amant-de-suzanne-viguier-demande-le-retrait-du-film-en-salles.php