L’humanisation du corps professoral à travers les réactions face au rapport Bergé

Le rapport Bergé, rendu par Aurore Bergé et Béatrice Descamps, a fait couler beaucoup d’encre, des professeurs s’insurgeant de certaines conclusions retenues par celui-ci (notamment sur « l’écart sociologique » entre enseignant et élève des quartiers difficiles ou sur le « vocabulaire opaque » utilisé par ces premiers). Twitter, réseau social par excellence de la réponse virale, a vu le hashtag #RapportBergé exploser, de nombreux enseignants témoignant d’un quotidien en contradiction avec ces conclusions qui font apparaître les enseignants comme des êtres déconnectés de la réalité, à l’instar d’une vision caricaturale de la cour du Roi.

Ils ne sont pas les seuls à s’étonner des conclusions dégagées. Ceux qui ont fréquenté des établissements « difficiles » le savent : on y retrouve, il est vrai, de nombreux professeurs un peu « paumés », qui se sont retrouvés là « on n’sait trop comment ». On y retrouve aussi de nombreux professeurs passionnés, qui ont fait le choix de dispenser leur savoir ici plutôt qu’ailleurs, parce qu’ailleurs, ça va déjà suffisamment bien.

Nous avons tous connu cet enseignant qui, malgré la grisaille parisienne, malgré les infrastructures en mauvais état, malgré les caractères rebelles que nous avions, a su nous faire voyager. Il ne s’agissait alors plus de dispenser un enseignement, mais de le vivre, et pour nous, il ne s’agissait plus d’être spectateur de cet enseignement, mais de le vivre. On se sent ainsi investi, même sans prendre la parole ; au milieu du navire « classe » se distingue le capitaine, figure tutélaire prenant toute sa puissance à travers nos yeux ébahis.

Cet enseignant, malheureusement, n’est pas l’enseignant-moyen que l’on rencontre tout au long de notre scolarité – surtout une fois arrivé à l’université. Le rapport Bergé a permis « d’humaniser » les profs, ces automates transmetteurs de savoir sont devenus des êtres humains comme les autres. Avec des histoires personnelles, des anecdotes pleines de regrets et d’autres emplies d’une fierté pédagogue dont la bienveillance éclabousse même les plus sceptiques.

Le dialogue pour améliorer la vie universitaire ?

Pour autant, il faut envisager l’ouverture d’un dialogue entre les étudiants et les professeurs. Les associations ne peuvent pas le mettre en place, les revendications devenant parfois plus politiques que pédagogiques – quand les deux ne se mêlent pas. Ce qui est pointé du doigt est une réalité pour le primaire, le secondaire et le supérieur n’échappe pas au manque de communication entre les enseignants et les étudiants.

Nous, étudiants, pouvons être odieux, blessants voire insultants à l’égard de ceux qui nous forment. Il n’est pas rare d’entendre le nom d’enseignant, de matières, de modalités de notation frappées de sobriquets dont les oiseaux eux-mêmes n’osent pas chanter les louanges. Il n’est pas envisageable de voir disparaître ces « grognements » étudiants qui marquent chaque génération et finissent par marquer l’esprit même de l’université. Cependant, il existe un déficit de communication qui entérine cette position obtuse du corps étudiant.

Trop nombreux sont ceux qui ne comprennent pas des notes obtenues, des remarques adressées par leurs enseignants et se braquent, imaginant (plus souvent à tort qu’à raison) qu’il s’agit d’un prof qui saque, qui aime être « méchant ». S’il ne faut pas être manichéen, le manque d’échange en dehors du cadre éducatif brut (la salle de classe où un enseignant dispense son cours et l’élève le prend en note) peut expliquer en partie cette notion de « méchant ». Cette absence de dialogue entraîne, parfois, une rancœur des étudiants alors même qu’un simple échange aurait suffit à apaiser celle-ci.

L’enseignement d’une vie pour chaque professeur : la pédagogie.

La pédagogie n’est pas affaire facile. Il n’est pas aisé pour un enseignant débutant de se comporter en bon pédagogue, il est bien souvent nécessaire d’avancer à tatillon, en apprenant de ses échecs pour développer une approche plus efficace. Néanmoins, qu’on se le dise : beaucoup se contre-fichent de l’efficacité et adoptent une position de toute-puissance quelque peu regrettable, refusant d’admettre la moindre erreur. Il faut se mettre à leur place : comment accepter qu’un étudiant de première année qui vous rend un devoir développe une réflexion intéressante à laquelle vous n’aviez pas songé ? Comment accepter qu’on vous démontre qu’à copie équivalente, il n’y a pas de note équivalente (surement parce qu’entre la première copie et la trentième, votre esprit s’est émoussé) ?

Les étudiants ne sont pas idiots. Ils n’attendent pas des professeurs planchant les notes à 12 pour valider plus facilement. Les conseils ou remarques qu’ils peuvent apporter sur le déroulement d’un cours sont importants : que l’on soit pédagogue depuis 1 ans ou depuis 30 ans, on a toujours des choses à apprendre. Instaurer une meilleure ambiance, un relai plus présent entre étudiant et enseignant, c’est permettre à chacun des deux « camps » de s’élever pour former un « idéal » d’unisson écolière.

Cet « idéal » n’est pas issu du monde des bisounours où tout le monde qu’il est beau et tout le monde qu’il est gentil. Il y aura toujours des notes catastrophiques, des redoublements, des abandons de parcours, des incompréhensions sur ceci ou cela. Si l’enseignant se montre bienveillant, l’échec sera alors mieux accueilli. Peut-être faut-il accepter dans le même temps qu’il existe des enseignants qui ne soient pas dotés de bienveillance ?

Les enseignants ont été étudiants. Nous n’avons pas été enseignants ; ne le serons peut-être jamais pour la plupart. Nous plonger dans le quotidien enseignant, nous faire part de ce côté humain, des difficultés à noter, du chemin de croix que représente l’apprentissage de la pédagogie permettrait à ceux qui imaginent les profs comme des ennemis de reconsidérer leurs visions. Oui, on observera toujours des professeurs plus difficiles que d’autres, des sévères, des cléments, des rigides et des souples. Non, il ne s’agit pas de changer les professeurs. Au contraire, il s’agit de les comprendre.

Nos copies sont entre nos mains, nos vies sont entre les vôtres. Le dialogue est un élément qui devrait être primordial dans nos relations pour que l’on se sépare de ces personnages sans nuances que sont les « méchants profs » et les « gentils zélèves ».

 

BORNE Killian